Ce matin, à un moment donné, il m’a été donné la possibilité de recaser un vers de Victor Hugo. Pour être franche, je crois bien que je l’ai un peu maltraité, mais, comme toujours, avec un ton assuré et l’air de celle qu’il vaut mieux ne pas reprendre, ni interrompre, c’est passé tout seul.
Ce vers, c’était celui-ci :
« Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées »
(Toi, d’ailleurs, le garçon qui me l’a fait découvrir -août 93, si tu m’écoutes, oui c’était bien. même habillée)
Alors, dans cet élan, j’ai entrepris d’étaler lourdement ma science.
J’ai commencé par récupérer bonnant-mallant la première partie du sus-cité poème : la campagne qui blanchit, la forêt, la montagne, la tombe qui l’attend (ah on ne rigole pas tous les jours avec moi).
Puis j’ai pris l’air grave.
1/ intérieurement, j’ai été catastrophé de voir que ça revenait pas vite (je n’ai rien laissé paraître)
2/extérieurement, j’ai fait ce constat :
« C‘est fou, je crois qu’on ne lit plus assez de poésie aujoud’hui, pire, on ne dit pas assez les vertus de cet art »
Ensuite, j’ai fait un GROS silence. Un gros silence qui voulait dire :
« Mate comme avec moi on se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, comme je suis jamais là où on m’attend (chez H&M), bref comme c’est tous les jours un peu Heraclite’s day »
Ensuite, je suis partie toute seule devant, sans regarder derrière, ni sur les côtés, nulle part en fait, juste droit devant.
J’ai lancé :
« Je suis le Ténébreux, le Veuf, —-l’Inconsolé » (été 1988, un ami peintre des parents, docte, et assurant qu’il fallait connaître ce poème par coeur pour avoir une vie sexuelle réussie)(cela avait fait une très forte impression sur moi à l’époque)(une époque où ma personnalité était en devenir)(j’avais 8 ans à ma décharge)
Puis « Notre histoire est noble et tragique/Comme le masque d’un tyran » et enfin, pour finir, un petit détour par les haïkus, car ça fait toujours son effet.
J’en étais là.
Je laissais infuser.
Béate et confite d’admiration pour moi-même.
Qaund je me suis entendue répondre :
« Ah ? Tu trouves ? Non, moi j’en lis de la poésie. Char, beaucoup (+ gros contexte historique de pourquoi), Baudelaire bien sur, je commence à m’imprégner de Rimbaud, et aussi quelques Parnassiens (Parnassiens !!), ah et aussi Musset, et à sa manière Breton. »
Et sans comprendre comment, car tout cela s’est passé HYPER vite, je me suis retrouvée pléiade à la main (visiblement, je suis en plus sommée de commencer par la base)(hum).
On m’a enlevé de ma superbe, j’ai bien vu.
Bon bah, je me suis mise à bouder (l’eau du robinet coule pas fort, les voisins ont l’air pas sympa, moi je connais encore par coeur ma table de multiplication par 9)
Et, la prochaine fois, je me contenterai d’en dire le minimum. Ah, ça ils vont bien se faire chier du coup.